Le Pho, « Femme Assise » ou l’adieu à la tentation chinoise

14 novembre 2019 Non Par Jean-François Hubert

« Femme assise » est une œuvre majestueuse, unique dans la production du peintre.

En 1934, Le Pho, alors Professeur à l’École des Beaux-Arts d’Hanoi a tout réussi. Son talent loué et reconnu depuis son diplôme en 1930, son influence en tant que « bras droit » du directeur Victor Tardieu, son voyage en France (Paris), mais aussi en Belgique, Allemagne, Italie (Fiesole, Firenze, Bruges, Koln) en 1931-32.

C’est à cette époque qu’il découvre, de visu, la force des « Primitifs » ces peintres qui l’influenceront plus tard.

En 1934, le peintre se rend en Chine, à Pékin précisément, où il visite les musées (le Musée National et le Musée du Palais) et certaines collections privées.

Le Pho – Femme Assise – 1934

Le Pho, lui-même m’avait confié avoir peint cette oeuvre à son retour de Chine. Lui qui se prétendait un descendant (certes lointain…) du peintre Yen Li-pen (600-673) – (pour la sagacité de nos lecteurs je n’ai jamais su s’il plaisantait s’il était sérieux et Vu Cao Dam m’a confié un jour que « l’ami Pho » avait tendance à revendiquer des origines quasi supra naturelles…)

Mais revenons à l’essentiel : dans « Femme assise », Le Pho s’inscrit dans une tradition picturale chinoise loin de son enseignement à Hanoi, au-delà de son voyage en Europe. Un trait marqué, un personnage hiératique, la subtilité des tons de gouache employés, la beauté du visage de la femme, son discret collier de perles, la signature et les cachets chinois en bas à droite (pas de signature en lettres romaines, alors qu’auparavant il appliquait la double signature, cf « La femme en blanc », 1931/32).

Tout ceci évoque la Chine. Le fond, aux camaïeux de marron est une caractéristique de ses années 30-34.

Pour autant deux indices témoignent d’une certaine fidélité à la sensibilité vietnamienne : l’ao-dai et la représentation murale du tigre.

Le Pho, avec Nguyen Cat Tuong (1912-1946) fut l’un des créateurs-promoteurs de ce vêtement si émancipateur et dont le succès s’accroit encore aujourd’hui.

Lettré, Tonkin, vers 1938

Le Tigre avec son agencement et ses couleurs caractéristiques est un exemple des productions d’estampes de Hang Trong (une rue d’Hanoi), de grand format, que l’on trouvait à l’époque dans les grands salons citadins. 

Le Pho ne poursuivit pas sa «  tentation chinoise ». Plus tard la tentation européenne l’emportera.

Le Pho aimait tant ce tableau qu’il l’offrit la même année à Orsolla Gugielmi, l’épouse de Auguste Tholance, Résident supérieur du Tonkin de 1931 à 1937. 

Rentrée en France en 1937 elle la garda dans sa chambre, à Nice, jusqu’à sa mort.

Trois ans après ce tableau, Le Pho s’installera définitivement en France : l’oiseau libéré ne retourne jamais dans sa cage.

Jean-François Hubert