Vu Cao Dam, 1952, « Maternité », ou la douceur de vivre comme principe d’existence

7 juillet 2023 Non Par Jean-François Hubert

À l’exécution de notre tableau, en 1952, Vu Cao Dam recouvre la santé ; son fils Michel, qui a été lui-même très malade au point de ne pas savoir s’il allait survivre, est hors de danger. Avec sa famille, le peintre a quitté Béziers où ils ont passé deux années qu’ils n’ont pas aimées et vient de s’installer à Vence, en juillet, d’abord à la villa « Les Cadrans Solaires » sur la route de Saint-Paul de Vence, puis, en novembre, dans la villa « Les Heures Claires », près de la chapelle Matisse, non loin de la villa « Le Rêve » où vivait ce même Matisse et de la villa « Les Collines » où résidait alors Chagall

La maison lui offre une belle vue sur la vieille ville de Vence et ses remparts qu’il peindra un certain nombre de fois. 

Son travail est alors influencé par Chagall et les artistes de l’École de Paris. Il découvre aussi l’art brut avec Dubuffet et, plus tard, Malaval – avec lequel il développera une solide amitié et dont il admire particulièrement le talent – qui exposent, comme lui, à la galerie Chave.

Au début des années 50, les privations de la guerre s’estompent et la joie de vivre revient, particulièrement à Vence, un lieu « béni des dieux », où il fait bon vivre. Y réside un groupe d’artistes passionnés, convaincus, les uns et les autres, qu’ils peuvent et/ou doivent transformer le monde par leur art.

L’euphorie ambiante ne fait cependant pas oublier à Vu Cao Dam qui il est : l’étoile directrice de toute sa vie – à l’exception de quelques portraits et d’un petit nombre de paysages -, le thème de toutes ses œuvres, c’est le Viêt Nam.

Il a constamment dessiné son enfance et son adolescence, puisque, tout au long de sa vie, ses sujets s’appuient sur des souvenirs d’enfance.

Le souvenir…

Sans le savoir, il a découvert le secret de l’éternelle jeunesse. Une perpétuelle fraîcheur de vue qui nourrit ses tableaux d’une douce étincelle presque merveilleuse, d’une tendresse teintée d’innocence, de la dimension d’espoir propre à la jeunesse.

Un contraste frappant avec la plupart de ses contemporains qui, le plus souvent, expriment dans leurs œuvres tous les tourments de leur époque, souvent avec un profond pessimisme et le sentiment de l’absurde.

Bien au contraire, le thème de la mère et de son enfant est par excellence le fondement même de la dimension d’amour pur, de bonheur parfait et de confiance en la vie, qui était le credo le plus personnel de Vu Cao Dam. Ici, dans une composition oblique audacieuse, dans le choix de teintes chaudes, il exprime la quintessence de l’amour : celui, inégalé, qui unit une mère et son enfant, avec la sobriété majestueuse qui est le signe incontesté de son génie.  

Pour peindre « Maternité », Vu Cao Dam a utilisé une nouvelle technique, pour lui, la peinture à l’œuf. Jusqu’alors, il peignait à la gouache, mais en arrivant à Vence, il ressent le besoin d’utiliser un médium à la dimension plus « plastique ». Une quête différente de celle de Paris. Un Paris, où la fréquentation constante de ses amis vietnamiens, notamment Le Pho et Mai Thu (son tout proche voisin de Vanves) et la lumière parisienne, infiniment plus douce que celle de la Côte d’Azur, lui permettaient de peindre de façon fluide, dans la continuité de la tradition chinoise. Une peinture dont on dit qu’elle est par nature l’équilibre des espaces vides, par opposition à la peinture occidentale qui est considérée comme l’équilibre des masses.  

Un nouveau départ.

Dans le nouvel environnement de Vence, il découvre la magie de la dimension plastique en peinture et entame des recherches approfondies, dont la peinture à l’œuf, empruntée aux maîtres de la Renaissance, n’est qu’une première phase.  

Après la technique de la peinture sur soie dont il reste l’un des maîtres, avant le médium de la peinture à l’huile auquel il consacrera la dernière partie de sa vie, en utilisant ici la peinture à l’œuf – « Maternité » (33x24cms) étant la première de ces œuvres – Vu Cao Dam explore les ressources de son talent. 

Avec joie et confiance.

La douceur de vivre comme principe d’existence.

Jean-François Hubert