Nguyen Trung, « Les Élégantes », 2000, ou la grâce, feinte subtile contre le dogmatisme

28 septembre 2024 Non Par Jean-François Hubert

Dans les années 30, deux groupes de peintres vietnamiens, issus de l’École des Beaux-Arts d’Hanoi font un choix : certains partent à la conquête de l’Occident, c’est-à-dire de la France et de Paris, les autres restent « au pays ». Le Pho, Vu Cao Dam, Mai Thu, et quelques autres, se sont inscrits dans la première démarche, Nguyen Phanh Chan et Nguyen Gia Tri, et beaucoup d’autres, dans la seconde.

Irréfutables, généreux, ces deux cheminements occultent, malgré eux, un autre courant plus tardif : « l’École du Sud », aux particularités indubitables dont Nguyen Trung, né en 1940 à Soc Trang, dans le delta du Mékong, est un représentant éclatant.

Formé à l’École de Gia Dinh, fondée en 1913, qui intégrera comme enseignants, après la partition de 1954, des anciens de l’École des Beaux-Arts d’Hanoi, il en sort diplômé en 1962.

Il faut évidemment différencier politiquement la période avant et après 1975 et rappeler qu’après la réunification du pays, le « réalisme socialiste », est imposé au Sud, comme un mantra : l’art, comme au Nord, doit se rapprocher du peuple, témoigner de ses réalités quotidiennes, valoriser son courage pendant la guerre et louer toutes les réalisations de la reconstruction.

L’artiste doit être le serviteur de la cause socialiste. Les thèmes, imposés, sont les hommes et les femmes, héros, soldats, paysans et  » travailleurs « .

En 2000, Nguyen Trung, lui, nous offre ces femmes qui se jouent – un peu – de nous, dans leurs ao dai multicolores, les joues rosées, les cheveux déliés, pieds nus, abritées d’un soleil – qui pourrait gâter leur teint diaphane – par des arbres du Champa (des frangipaniers) dont quelques fleurs tombées égrènent la scène.

Trois individualités… Libres…

Le Vietnam contemporain reste un pays où l’allusion prend tout son sens. Nguyen Trung nous offre là, tout en subtilité, à travers son chef-d’œuvre en laque – un art dont les exigences techniques sont évidemment bien plus exigeantes que celles de l’huile sur toile où il est beaucoup plus prolifique – sa philosophie d’artiste.

Jean-François Hubert