Le Pho, « La Baignade », vers 1938, ou le côtoiement du maître Bonnard
Le Pho a prôné, très tôt, une admiration sans faille pour Bonnard et Matisse. Confiant même qu’il voyait aussi son installation en France en 1937 comme un pèlerinage mental vers eux. Une visite en Chine, en 1934, lui avait confirmé que si la peinture chinoise et la pensée taoïste qui la soutient méritaient son respect, sa propre démarche, insufflée aux Beaux-Arts d’Hanoi, l’attirait irrémédiablement vers l’Ouest. Où, particulièrement, les œuvres de ses deux aînés, comme celles de la Renaissance le fascinaient.
« La Baignade », une gouache et encre sur soie de belle dimension (46 x 30.5 cm) peut-être datée autour de l’année 38, peut-être juste après.
Inusuelle dans le corpus du peintre, elle reprend la notion d’observation décalée qui fonde tout l’art de Bonnard : l’observateur doit sérier son observation s’il veut saisir la réalité du tableau. Il lui faut ainsi saisir la grâce envoûtante des femmes, leur sensualité au sein des masses construites avec des tons mats de gouache ; dans un flou chromatique voulu se disposent montagnes, cours d’eau, pont. L’utilisation graduée de l’encre – du pantalon de la première femme jusqu’à la chevelure de la troisième – amplifie la profondeur de l’œuvre.
On notera l’universalité du paysage, ni proprement asiatique, ni singulièrement occidental. Seuls les traits du visage des femmes, au moins de la première, évoquent l’Asie.
C’est l’œuvre d’une confusion voulue qui autorise la fusion souhaitée.
Une fiction qui autorise la fission.
Tous les thèmes de Le Pho, s’inscrivent là, via un peintre qui, il le sent déjà a fait le choix – qui s’avèrera définitif – de l’Ouest, le tout dans une discrétion affichée que sous-tend une distanciation assumée.
Un avant, un après.
Le Pho rencontrera aussi Matisse en 1943, qui lui conseillera d’éclaircir sa palette.
Suivront les périodes (terme réducteur s’il en est…) Romanet et Findlay. Il faudrait alors y identifier l’influence de Bonnard ou de Matisse.
Mais ceci est une autre histoire…
Jean-François Hubert