Les peintres-voyageurs : découvrir, s’étonner, comparer

26 mars 2025 Non Par Jean-François Hubert

Le « Grand Tour » correspondait aux 17ème et 18ème siècles à un voyage en Europe (essentiellement la France, l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne…) qui permettait d’y aborder d’autres manières de vivre mais aussi d’y découvrir les grands artistes et œuvres du patrimoine culturel. Ce grand tour a contribué à l’évolution des goûts artistiques et des styles au XVIIe et au XVIIIe  siècles.

Ce périple intra-Occident s’est naturellement transformé en voyages de plus en plus réguliers vers l’Orient et l’Extrême-Orient et à partir du dernier quart du 19ème siècle, pour les Français, vers l’Indochine et plus particulièrement le Vietnam.

C’est là que des projets personnels et isolés, aidés par des initiatives publiques, ont personnifié une tendance artistique pérenne qui contribua aussi à l’éclosion de l’École des Beaux-Arts de l’Indochine.

Des projets personnels encouragés par une volonté collective

Des guildes savantes comme La Société des peintres orientalistes, fondée en 1893 ou La Société coloniale des Artistes Français, fondée en 1908 ; des Prix annuels dont le Prix Indochine décerné en 1914, puis entre 1920 et 1938 (Victor Tardieu l’obtiendra en 1920 et Jean Bouchaud en 1924, par exemple) ; des Sociétés de transports maritimes, qui se modernisent et recrutent des illustrateurs mais aussi des affichistes ; des Revues et journaux (notamment « L’Illustration » fondé en 1843 » ou Le Monde Illustré fondé en 1857 et leur besoin de « correspondants » mais aussi des expéditions militaires, comme celle du Tonkin en 1885-86 que Gaston Roullet accompagne. Les expositions coloniales, notamment celles de Marseille en 1922 et Paris en 1931, deviendront aussi des usagers des œuvres elles-mêmes.

Il s’agit au plus d’un microcosme construit sur des destins personnels, pas d’une École comme en témoignent les styles différents et les modalités de séjour variées des artistes.

Des formations diverses, des thèmes récurrents, des sensibilités différentes

Des 14 artistes sélectionnés par Philippe Damas, excellents témoins du mouvement des peintres-voyageurs, il faut noter la variété des formations :

Gaston Roullet est élève de Jules Noël comme Alix Aymé l’est de Lucien Simon et Maurice Denis ou Louis Rollet d’Eugène Cormon. Albert Cézard est autodidacte comme Jean Launois, Marcel Bernanose et René Bassouls. Jos-Henri Ponchin, Georges Barrière, Henri Vollet sont diplômés des Beaux-Arts de Paris. De Marliave se fait remarquer dans les Salons, tandis que Jean Bouchaud suit l’enseignement de l’Académie Julian à Paris où Léa Lafugie et Marie-Antoinette Boullard-Devé se forment aux Arts décoratifs.

Des fleuves, des cérémonies, des bâtiments, des portraits, des scènes de marché, « des minorités » construisent un diaporama commun de l’étonnement, laudateur et fondateur.

Mais chacun, bien sûr, ne désavoue pas sa sensibilité personnelle : le témoignage historique pour Roullet, la solennité monumentale chez Cézard, le naturalisme chez Ponchin, la grâce chez Alix Aymé, la retenue chez Marliave, la lumière chez Barrière, l’ethnographie chez Vollet, la douceur chez Bouchaud, l’absence de compromis chez Launois, la description objective chez Lafugie, le réel subjugué chez Rollet, le souci du trait chez Bernanose, la complétude chez Boullard-Devé et le ton chez Bassouls, en témoignent.

Une influence non négligeable sur la peinture vietnamienne

Tous ces peintres magnifieront le Vietnam et poseront de fait, en amont, la première pierre de la construction de l’École des Beaux-Arts de l’Indochine. Certains y devinrent professeurs et Victor Tardieu, lauréat du Prix Indochine en 1920, en fut le fondateur-directeur quatre ans plus tard…

Oui, découvrir, s’étonner, comparer. Et rester.

Vous pouvez trouver le catalogue de la vente en cliquant ICI

Jean-François Hubert