Le Pho « Le Printemps », 1955, un tournant artistique dans l’œuvre du peintre
Il est toujours fascinant d’observer dans l’œuvre d’un artiste les étapes successives de construction (ou de déconstruction) de son œuvre.
« Le Printemps » nous le permet.
En 1955, Le Pho continue d’œuvrer avec la technique qui lui a fait rencontrer un succès certain : la gouache et encre sur soie collée sur papier fort. Mais il choisit alors d’ approfondir sa démarche en amassant et en escamotant tour à tour du pigment, le désolidarisant du support. C’est ainsi que naissent ces œuvres typiques de la période Romanet, du nom de la galerie française qui depuis le début des années 1940 ne cessait de le promouvoir.
Notre œuvre témoigne de cette évolution.
La gouache, l’encre et la soie sont conservées mais les deux premières se voient adjoindre de la peinture à l’huile tandis que la soie est laissée crue ou au contraire recouverte d’amas de peinture. La notion de pigment à plat semble révolue chez le peintre.
Mais « Le Printemps » n’est pas qu’une œuvre de rupture. Elle est bien plus : elle annonce la période Findlay (du nom de la galerie américaine qui offrira en 1963 un contrat quasi-exclusif au peintre) qui marque l’ouverture au peintre du marché américain. Le futur style est déjà inscrit dans notre tableau : les femmes sont incluses, presqu’immergées dans un univers végétal. Représentation que le peintre approfondira essentiellement à partir des années 1970.
Seules citations des « temps anciens » : la pagode vietnamienne en haut, au fond, à droite et l’illustration de pêchers en fleurs si typiques du Têt vietnamien. Citations que le peintre ne proposera pas, plus tard lorsqu’il voudra donner à son œuvre un style plus universel. La palette, claire, définitivement acquise après sa fructueuse rencontre, en 1943, avec Henri Matisse, son idole, avec Bonnard, illumine « Le Printemps ». La grande taille de l’œuvre – pour une soie – préfigure la volonté du peintre (et de Findlay) de proposer des huiles sur toile imposantes.
« Le Printemps » marque une étape artistique déterminante dans l’œuvre de Le Pho.
Jean-François Hubert