Nguyen Trung ou la grâce contre le dogmatisme
Certes, l’histoire de la peinture vietnamienne du XXème siècle doit être clairement – en termes artistiques – décrite en évoquant l’influence déterminante et imprescriptible de l’École des Beaux-Arts d’Hanoi, créée en 1924.
Deux groupes principaux de peintres ont marqué leur temps par leur talent d’artiste et leur choix d’homme :
Il faut bien évidemment différencier ceux qui sont partis à la conquête de l’Ouest, c’est-à-dire vers la France et Paris et ceux qui sont restés « au pays » privilégiant le lieu de leur naissance.
Le Pho, Vu Cao Dam et Mai Thu par exemple constituent le fleuron du premier groupe.
Nguyen Phan Chanh et Nguyen Gia Tri, parmi d’autres, sont les deux figures de proue du second groupe.
Rien ne peut être compris dans la peinture vietnamienne si ces deux quêtes – l’une dynamique, l’autre statique – de la beauté, ne sont évoquées. Tout découle de ce double mouvement qui, comme chacun le sait, a donné naissance à des oeuvres importantes reconnues aujourd’hui internationalement.
Pour autant, cette vision théorique mésestime un peu une école dite « du Sud », certes historiquement moins importante que celle « du Nord » mais qui présente des particularités certaines.
Nguyen Trung (né en 1940 à Soc Trang) participe de celle-ci, dont les membres le plus souvent ont été formés à l’École Supérieure de Gia Dinh, dont il est diplômé en 1962.
Bien évidemment, il faut différencier la période avant et après 1975…
On sait qu’après la réunification du pays, les bases de l’art officiel du réalisme-socialiste s’imposent au Sud. Pour cette doctrine, l’art doit être désormais proche du « peuple », témoigner de ses réalités quotidiennes, valoriser son courage pendant la guerre et louanger les réalisations de la reconstruction.
L’artiste doit être le serviteur de la cause socialiste : les thèmes obligés sont l’homme comme héros, comme soldat, comme « travailleur ». Ho Chi Minh est la figure mythique par excellence.
On comprendra que pour Nguyen Trung, cet artiste libre, ouvert à toute recherche picturale, notamment à l’abstraction, le questionnement apparait comme rigoureux…
Doit-on trouver là l’immense talent qu’il montre lorsqu’il peint la femme vietnamienne belle, distante voire évaporée dans un environnement ou fleurs et fruits viennent témoigner par leur fraicheur de la grâce des modèles ?
Les deux œuvres superbes que nous avons l’honneur de présenter ici, illustrent la réponse, toute en subtilité, du peintre et témoignent de sa maîtrise parfaite que ce soit en huile sur toile ou en travail de la laque (dont la difficulté d’élaboration et l’assiduité qu’elle nécessite feront que ces laques resteront très rares dans l’oeuvre du grand peintre).
Jean-François Hubert