Nguyen Phan Chanh. « Les cases gagnantes ». 1931
Rien ne commence, rien ne finit
Ngô Chân Luu (933-1011).
Seul le vide est absolu
La vérité à comprendre
Est que toutes choses sont de même nature
« La fin et le commencement ». (Traduction Lê Thanh Khôi)
Nguyen Phan Chanh (1892-1984) était originaire du village de Trung Tiet -dans la province de Ha Tinh – situé à quelques 400kms au sud d’Hanoi. Au sein de cette terre pauvre Nguyen Phan Chanh se révèle un élève doué excellant dans l’étude de la calligraphie chinoise sous l’égide de son père.
Il enseignera cette calligraphie chinoise tout en préparant le concours de mandarin. Heureusement – pour nous les amateurs de peinture… – les concours furent abolis et Nguyen Phan Chanh envisagea alors d’aborder une carrière d’artiste. En 1925 il intègre (sur concours) la première promotion de l’École des Beaux-Arts que Victor Tardieu (1870-1937) vient de créer à Hanoi.
Le souvenir de sa province pauvre, son apprentissage de la calligraphie chinoise, et l’affichage d’un ascétisme certain sont autant d’éléments qui vont fonder son oeuvre.
Cette oeuvre exceptionnelle montre que Nguyen Phan Chanh ne s’est jamais éloigné de ses racines profondément ancrées dans le Vietnam traditionnel et ses habitants. Avec une technique parfaite, il sait comment appliquer l’encre et apposer la gouache sur la soie, servant au mieux son sujet favori : des gens simples dont la simplicité est avant tout rendue au travers de couleurs sombres en camaïeux de marron et de noir qui se concentrent sur leur jeu.
La construction, basée sur le triangle (deux fondés sur le noir d’encre des coiffures, tuniques et pantalons le tout imbriqué avec le fond plus neutre dans une perspective de tons-un fondé sur le marron des vêtements), est caractéristique du peintre. Dans d’autres oeuvres il complètera cette géométrie avec des arrondis (chapeaux, récipients) plus visibles que dans notre oeuvre où ne figure qu’un pot ovoïde au premier plan.
Exécutée en 1931 cette peinture illustre ce que le le peintre a pu produire de meilleur et traduit une sensibilité et un talent mis au service – plus qu’à l’éloge – de la simplicité d’un lieu et d’un temps presque irréels.
Ce réalisme poétique inaugure tout un style de la peinture vietnamienne du 20ème siècle. Intérêt, émotion et beauté sont ici convoqués mais sans emphase.
Pour nous le confirmer le peintre ajoute (presque comme un colophon) au milieu de son oeuvre un panneau vertical inscrit de beaux caractères que l’on peut traduire par :
« Si vous vous obligez à une grande moralité alors votre famille connaitra la prospérité génération après génération ».
Jean-François Hubert