Luong Xuan Nhi – La Famille du Pécheur. 1940.

20 décembre 2019 Non Par Jean-François Hubert

Le pécheur dit : reste avec moi.
Partageons ma pauvreté et vivons sans souci (…)
J’ai mon travail et ma sagesse, j’erre sur l’eau à ma guise, drogué d’espace.

Extrait de : Nguyen Dinh Chiêu (1822-1888)
« Luc Van Tien sauvé par le pécheur » .

Luong Xuan Nhi (1914-2006) a joué un rôle majeur dans la peinture vietnamienne du 20ème siècle. Diplômé de l’École des Beaux-Arts d’Hanoi en 1937, il fut un partisan actif de la SADEAI (« Société Annamite d’Encouragement à l’Art et à l’Industrie ») créée toujours à Hanoi en 1934.  Il fut également membre fondateur du FARTA (« Foyer de l’Art Annamite ») – avec To Ngoc Van, Tran Van Can, Le Van De et d’autres – notamment à l’origine des deux Salons organisés à Hanoi en 1943 et 1944.  

Cette grande activité sociale ne pouvait pas ne pas être traduite dans son œuvre peinte.

Luong Xuan Nhi. La famille du pécheur. 1940.
Luong Xuan Nhi. La famille du pécheur. 1940.

Peinte en 1940, La Famille du Pécheur est une œuvre extrêmement importante de l’artiste. Pour mieux la comprendre il faut faire référence à une des idéologies de l’époque issue du groupe « Tu Luc Van Doan », un mouvement littéraire créé en 1933 par Khai Hung et Nhat Linh. Leur volonté est de dépasser les idéaux tant d’une « bourgeoisie snobinarde » que d’une classe de « mandarins bigots » pour s’interroger sur les réelles difficultés économiques et intellectuelles d’une classe laborieuse essentiellement rurale.

Luong Xuan Nhi contrairement à la majorité des peintres du temps, choisit d’exprimer cette réalité plutôt que des élégantes et séduisantes femmes dans leur bel ao dai.  La réalité décrite dans notre tableau est le quotidien d’un pécheur et de sa famille menant leur vie rude loin des aléas de la vie urbaine.

Le sens du partage, celui de la famille s’imposent ici magnifiquement servis par le peintre.  L’élégance ne s’impose pas par la pose des personnages mais par le sujet lui-même.  Pour nous en convaincre – s’il en était encore nécessaire – le peintre a écrit sur sa peinture : « les vagues au soleil couchant rafraîchissent mon corps après un jour de travail ». 

À la fin des années trente, le temps est encore idéologiquement à l’observation et à l’identification.  La révolution purement communiste et singulièrement énergique aura lieu quelques années plus tard. Luong Xuan Nhi en adoptera les idées. Sa vie devient alors celle des privilégiés du régime. Ses nombreux voyages dans les « pays amis »  d’Europe de l’Est et sa constante participation aux organigrammes officiels en témoignent.

Jean-François Hubert