Des fleurs et des gants : le « blanc » triomphe (à nouveau) dans la section vietnamienne chez Christie’s à Hong Kong le 27 septembre 2025

5 octobre 2025 Non Par Jean-François Hubert

Vu Cao Dam,  « Fleurs blanches » Gouache et encre sur soie. Années 40. Dim: 61 x 46,5 cm: 
1 270 000 HKD (138 000 €, 163 000 USD)

Le fourbe cyclone Ragasa a bien tenté de gâcher la vente mais rien n’y a fait: les 14 lots de la section vietnamienne furent tous brillamment vendus, gratifiant à nouveau l’auctioneer Carmen Shek Cerne (pour cette section…) de « gants blancs » bien mérités.

Après la phénoménale collection Philippe Damas dispersée en mars, les 14 œuvres furent dégustées comme l’on se délecte d’un thé au Peninsula, tandis que les violons forcent sur le mi et que la pluie ruisselle sur Kowloon.

La pré-estimation (certes très raisonnable) de l’ensemble – 6 790 000 HKD — s’est vue multipliée par 3 pour un résultat final de 19 088 000 HKD (2 088 400 €, 2 453 000 USD)

6 artistes (5 morts,1 vivant), 14 œuvres exécutées entre 1927 et 2008 (5 au Vietnam, 9 en France – ou peut-être en Italie pour l’une d’entre elles —), trois techniques, de l’huile sur toile à la laque en passant par la gouache et encre sur soie.

Mai Thu était représenté par 3 œuvres datées respectivement de 1945, 1955 et 1966 (lots 141142143).

Très bien vendues – « La classe » (lot 142) a obtenu 2 159 000 HKD (237 300 €, 277 400 USD) – elles ne sauraient toutefois masquer un tassement, déjà évoqué, de la cote du peintre. Autant les œuvres exceptionnelles comme « L’heure du thé à Hué » , le lot 126 de la Collection Philippe Damas (Christie’s Hong Kong, 29 mars 2025) font leur prix (en l’occurrence ici 4 032 000 HKD (443 000 €, 518 000 USD), autant le marché apparaît plus hésitant pour les œuvres d’après 1950 apparues trop massivement sur le marché ces dernières années.

Joseph Inguimberty s’illustrait par deux très belles huiles sur toile de 1927 et 1928 (lots 144 et 145). L’artiste-professeur, fraîchement installé au Vietnam, nous y transmet la joie de sa rencontre passionnelle avec ce pays qu’il adorait et qui explose dans ces deux œuvres qui ont pulvérisé leurs estimations à 1 270 000 HKD (138 000 €, 163 000 USD), notamment, pour le premier (« L’échange au village »).

Deux laques de Pham Hau (lots 146 et 147) suivaient. Les acheteurs font bien, dorénavant, la différence entre une œuvre exceptionnelle et une autre souvent répétée par l’artiste. La première s’envolant à 3 556 000 HKD (389 500 €, 456 000 USD) sextuplant son estimation, la seconde à 1 651 000 HKD (181 000 €, 212 000 USD) quadruplant tout de même la sienne…

Le Pho continue paisiblement son beau parcours. Son « Portrait de dame », (lot 148) une époustouflante gouache et encre sur soie, vers 1940, a triplé son estimation à 2 286 000 HKD  (250 700 €, 294 000 USD). Signe que le marché témoigne encore d’une certaine immaturité, il eut suffi que cette belle jeune femme fût asiatique et non européenne pour que le résultat soit triplé. Il est temps que l’essentialisation (l’assimilation du pauvre…) s’estompe au profit de la reconnaissance du talent pur d’une œuvre. Les huiles sur toile de sa période Findlay (lots 153 et 154) de grande taille et aux couleurs chatoyantes, propagandistes d’optimisme esthétique, suscitent toujours de belles enchères.

Nguyen Trung (lot 149) a quadruplé son estimation pour une rare laque à 482 000 HKD (52 900 €, 62 000 USD). Le peintre, âgé de 85 ans, formé « au sud » compte de nombreux adeptes, principalement au Vietnam et chez les Viet kieû des USA.

Pour Vu Cao dam deux œuvres de sa période Findlay (après 1963) ont suscité (lots 150 et 151) des enchères très soutenues, doublant et triplant leurs estimations, tandis que ses splendides « Fleurs blanches » d’une particulière beauté (lot 152) ont atteint 1 270 000 HKD (138 000 €, 163 000 USD) multipliant par 6 leur estimation. Nous les reproduisons ci-dessus tant elles nous enchantent. Du très grand Vu Cao Dam.

Ce dont témoigne la vente du 27 septembre 2025, c’est d’un marché sain, solide, voire enthousiaste.

Il conviendra de ne jamais oublier que c’est ce marché, principalement, qui, depuis les années 1990, a sorti la peinture vietnamienne de la fondrière culturelle où elle a longtemps résidé.

Jean-François Hubert