Le Pho, « Le Philosophe », 1956 ou l’imperturbabilité de l’artiste

4 juillet 2024 Non Par Jean-François Hubert

En 1956, Le Pho qui expose toujours à la Galerie Romanet – qui le promeut avec brio depuis 1942 – commence à échapper à la morosité de l’après-guerre qui a marqué un fort déclin du marché de l’art. Moins d’expositions, moins d’amateurs en cette période de reconstruction du pays et un déplacement du marché vers les USA.

Depuis la fin de la guerre, il a exposé à la Galerie Roux-Hentschel en 1945 puis à la Galerie Art Français, en 1946, les deux à Paris, puis à Bruxelles à la Galerie Van Loo en 1948. Mais les ventes s’étiolent et de 1950 à 1954 il est Conseiller artistique à l’Ambassade du Vietnam à Paris et décore quelques appartements vietnamiens de la Capitale dont celui du Prince Bửu Lộc.

Depuis la fin du conflit mondial son style a évolué : moins de noir d’encre, de lignes franches, de tons de gouache identifiables. La ligne est moins présente. Le peintre peint toujours sur soie mais le médium devient mixte.

Le Pho – Le Philosophe

Chez Le Pho, il faut toujours guetter l’allusion. Ici les dimensions auspicieuses du format (88X 88cm) parlent d’elles-mêmes. La rencontre avec Henri Matisse en 1943 continue à porter ses fruits : la palette reste claire. L’esprit de Bonnard irrigue toujours l’œuvre.

« Le philosophe » est unique dans l’œuvre du peintre.

Rien ne s’y rattache. Faut-il y voir la volonté de cristalliser les années difficiles qui ont précédé ?

Assis, asiatique, de profil, notre philosophe à la moustache fournie et à la longue barbe, à la coiffe traditionnelle, les traits du visage bien marqués, les mains jointes, semble rendre hommage à ce qui pourrait être un autel des ancêtres. Une coupe de fruit sur une table, dans une nhà rường qui ouvre sur un jardin lumineux signifié par un bleu très pur. La table est figurée de guingois, tout est en déséquilibre dans une dilution-confusion aussi chromatique de toute l’œuvre. Un coq (gaulois?) en bas à droite, rajoute une confusion symbolique.

Seul, ancré dans la tradition, sourd aux vicissitudes du temps se tient debout, imperturbable, le philosophe.

Le Pho ?

Jean-François Hubert