Le Pho c. 1938 « La Jeune Femme au Panier » ou la carte postale et la carte de visite
En quelques traits et aplats de gouache, rehaussés d’encre, Le Pho, en 1938, alors qu’il s’est installé en France depuis l’année précédente nous livre ici l’essentiel, pour lui, du Vietnam.
Le pas décidé, le visage sérieux, la belle jeune femme, toute concentrée sur la tâche qui l’attend va fêter la Nouvelle Année avec les siens. Pas de joie exprimée sur son beau visage. Toute effusion apparaitrait toute vulgaire dans la doctrine confucéenne.
Des feuilles de bétel et des noix d’arec – éléments essentiels avec la chaux pour chiquer le bétel – une boite ficelée qui pourrait contenir du thé ou des gâteaux, des bâtonnets d’encens. Tous les ingrédients sont là pour la célébration du Têt, que le pêcher en fleurs, à droite, nous annonce. L’ao dai – que Le Pho a tant contribué à moderniser avec son compère Nguyen Cat Tuong (« Lemur ») – blanc, le foulard, l’écharpe, les chaussures classiques viennent encore rehausser l’élégance gracieuse de notre belle jeune femme.
On notera le geste ultime, tout de contrôle et de charme en même temps, qui réajuste son voile sur sa chevelure sagement peignée. Sensualité de l’évocation…
Au fond, les montagnes de la Moyenne Région que Le Pho approchait lorsqu’il quittait Hanoi et son delta pour se rendre sur la route d’Hoa Binh.
Pour autant ce Têt, Le Pho le fête en France. Comme il y fêtera tous les autres.
La France dont il sait qu’elle lui est nécessaire à la reconnaissance de son talent car jamais un souvenir, quel qu’il soit, ne peut servir de viatique à une ambition.
Il faut voir « La Femme au panier » comme une une carte postale que Le Pho s’envoie à lui-même.
Mais sait-il qu’elle est, déjà, sa carte de visite ?
Jean-François Hubert