Ton That Dao – La Coiffure
L’histoire de l’art, lorsque qu’elle s’intéresse aux évènements contemporains n’est jamais objective : la proximité historique, le choc idéologique entre l’observateur et l’observé qu’elle implique alors, peuvent conduire à des omissions passives ou délibérées.
Ton That Dao n’échappe pas à cette règle. Pourtant, son cursus classique augurait du meilleur : né en 1910 à Hué dans une famille royale, il intègre l’École des Beaux-Arts de l’Indochine à Hanoi, dans la 8ème promotion (1932-1937), celle-entre autres – des Luong Xuan Nhi et Lê Yen, au milieu des années 30 où l’excellence des professeurs et le talent diversifié des élèves construisent une synthèse harmonieuse et originale qui donne naissance à une immense école de peinture.
Enseignant au Lycée Khai Dinh à Hué, sa ville d’origine ainsi qu’au Collège Dong Khanh, exerçant son talent également au cinéma (storyboarding) mais aussi à l’illustration de livres, il sera professeur du Prince impérial Bao Long, le fils de Bao Dai en 1941. Bao Long évoquait avec beaucoup de respect son ancien maître (entretien personnel, Paris, 1995).
Les oeuvres de Ton That Dao furent exposées, notamment à Hanoi en 1939, à Saigon en 1945 et au Japon dans les années 40 ainsi qu’au Vatican en 1950. Il fut ensuite à l’origine de la création de l’École des Beaux-Arts de Hué en 1957 puis en devint le directeur et un des professeurs les plus illustres.
Une famille royale, un traditionaliste, professeur de l’héritier de la dynastie des Nguyen, un homme « du sud » : tout cela fut de trop pour l’historiographie officielle vietnamienne après 1975 : Ton That Dao n’apparait pas dans les différentes hagiographies officielles…
Socialement – comme tant d’autres – il n’existe plus. Il meurt en 1979 emportant avec lui tous ses souvenirs d’un monde passé dont il témoigne dans cette belle soie où une jeune femme (certainement une future mariée) s’apprête avec l’aide de deux autres.
Dans cette rarissime soie, l’ambiance confinée, austère du vieux Hué est bien montrée : on s’habille et on se farde parce que l’on tient un rang social : tout est devoir, rien ne doit être plaisir ; le vase à la branche fleurie, posé sur son socle, l’encensoir, le miroir à fards, tous posés à même le sol, apparaissent plus comme des instruments d’apparat que des objets de distraction. La gouache en camaïeu de marron que ponctue l’encre renforce encore cette atmosphère d’antan.
Jean-François Hubert