Vu Cao Dam, circa 1939, « Tête de femme », ou la puissance de l’idéalisation
Avant-guerre, Vu Cao Dam dont on méconnaît souvent qu’il fut diplômé dans la section « sculpture » de l’École des Beaux-Arts d’Hanoi en 1931 pratique concurremment et avec bonheur la gouache et encre sur soie et la sculpture.
Cette tête, époustouflante de puissance, qui gagne à être vue sous toutes ses facettes, notamment ses profils, témoigne du meilleur de l’artiste à la fin des années 30.
Plus tard, Vu Cao Dam, utilisera la plus grande plasticité de la terre et choisira de moins s’en tenir aux masses mais ici se condense son premier style qui se forge pendant sa scolarité à Hanoi et sera exposé, par exemple, à l’Exposition Coloniale de Paris en 1931.
L’artiste, loin de sa terre natale, pétrit la terre locale et sollicite la matière comme soutien du souvenir. Incarner, comme pour atténuer l’oubli qui s’installe progressivement et raviver le souvenir d’un visage qui s’étiole.
La puissance de l’idéalisation.
Les yeux bridés, la coiffe tonkinoise, comme une citation.
Vu Cao Dam opère par modelage mais aussi par incisions et striations qui nous offrent ce regard attentif, ce sourire esquissé, tout en charme, ce nez fin, cette bouche entrouverte et ce cou longiligne.
Cette femme séduisante, Vu Cao Dam nous la reconstruit à mains nues, parfois aidé de spatules en bois dont certaines munies d’une extrémité en fil de fer.
Altière, hiératique. Tonkinoise.
Plus tard, Vu Cao Dam créera des femmes plus explicitement vietnamiennes coiffées et vêtues… à la vietnamienne.
Essentialisées.
Ici, l’arrière de la tête, creuse, permet d’identifier l’empreinte des doigts de l’artiste qui en un modelage (pas un moulage) quasi charnel nous offrent cette œuvre unique, sensuelle, fruit de la fougue du jeune trentenaire qui, l’année précédente, a épousé Renée Appriou, la compagne – qui le comblera – d’une vie fusionnelle partagée.
Jean-François Hubert